Ronde 12: Svidler bat Jakovenko, Aronian reste seul en tête
Wednesday, 13 August 2008
Cela ne peut pas être Noël tous les jours. Dans l'avant-dernière ronde
du Grand Prix de Sochi, nous avons assisté à 6 nulles dont 4 relativement
rapidement. Wang Yue-Navara et Cheparinov-Al-Modiahki livrèrent des batailles
plutôt intéressantes et dans la finale du jour, Svidler réussit à marquer le
seul point de cette ronde contre Jakovenko. Aronian reste seul en tête avec 7.5/12.
La rencontre-clé Radjabov-Aronian de cette ronde fut plutôt
décevante. Trois facteurs cumulés : fatigue physique, épuisement
émotionnel et facteur surprise. Aronian employa un coup (7...g6) dans l'Ouverture
Ecossaise, et puis quitta complètement la route habituelle avec 8...Qe7.
Aronian à l'issue de la partie : « Je ne m'attendais pas du tout à cette
ouverture et ne savais pas quoi choisir. Je connaissais 7.Qg4 et ai réalisé que
ma position n'était pas super. Mais 9.Nxc6 simplifie, ce qui devrait être en ma
faveur. J'avais plus peur de 9.Qg3 Nf6 10.Qh4 où j'aurais dû faire 10...d5
11.Qxe7 Ndxe7. »
Les Blancs avaient une vaste gamme d'options, mais Radjabov exclut la plupart
de celles à double tranchant. La partie aurait pu être beaucoup plus subtile si
les Blancs avaient joué 9.0-0-0 au lieu
de 9.Nxc6. Et bien sûr, échanger les Fous en b6 était dépourvu de sens. 10.Qf4! aurait préservé des défauts
structurels dans le camp des Noirs.
Puis, les Noirs finirent leur développement sans problème, et arrangèrent excellemment
leurs pièces. Les Blancs furent incapables de maintenir la tension sans risque
sérieux. Des échanges logiques dans le centre (16.exd5, 17...Qd6!,
20...Nf4) menèrent à une nulle légitimée.
Gelfand et Karjakin optèrent pour la Variante Alekhine de la Défense Nimzo-Indienne
ultra-pointue, puis entrèrent dans des complications folles qui menèrent
rapidement à une finale de Fous de couleur opposée. Et c'est la nulle.
Sergey se déchaîna contre son adversaire expérimenté, essayant d'utiliser son
avance menant à 9...g5. Boris répondit calmement par 11.Nf3 (auparavant les
Blancs avaient essayé 11.Bd3 et 11.Nge2) et réussit à achever la mobilisation.
Karjakin: « Avec 8...0-0 j'ai
inversé les coups. Je voulais jouer 8...g5 9.Bg3 Ne4, la ligne principale. » Peut-être
que 9...Nbd7 est plus précis. Le 11.Nf3
de Boris était nouveau, selon Karjakin le coup connu 11.Bd3 était probablement
meilleur. « J'envisageais de jouer 11...Bxc3 [ce qui aurait été une
nouveauté- PD] 12.bxc3 Nxg3 13.hxg3 Qf6. »
L'avantage central des Noirs ne semblait pas compenser les imperfections stratégiques
de leur position (faible Roi et avantage de deux Fous Blancs), alors Karjakin
força les échanges avec 15...Qb6! et 17...Nc3, minimisant ainsi le risque de
défaite. Gelfand fut incapable de trouver les ressources pour jouer pour la
victoire ; peut-être n'ont-elles jamais vraiment existé. Cette ligne d'ouverture semble mener à une nulle forcée. Un pays désert...
Contre Ivanchuk, la gestion de Grischuk de la Variante Romanishin
de la Nimzo-Indienne était extrêmement prudente. Sa
nouveauté 12.Nf3 (au lieu du très utilisé 12.Nc2 and 12.Rfd1) ne va pas altérer
les conclusions théoriques. En fait, à l'issue de la partie, il l'appela « un
très mauvais coup ». Les Noirs obtinrent une position compacte et
flexible, qui ressemble quelque peu à un Hedgehog.
Seul 20.f4 eut la prétention d'être ambitieux- et au coup suivant déjà Sasha
força la nulle en attaquant la Dame Noire : 21.Nd5 Qd7 22.Nb6 Qc7 23.Nd5, etc.
Je peux montrer une centaine de manières d'éviter une nulle rapide, mais je
suis certain que Grischuk en a vu le double. Qualifiant la partie « pleine de
mauvais coups », il finit par dire « dans la position finale, nous étions
tous les deux contents ! »
Le dénouement de la partie Kamsky-Gashimov était prédéterminé dans
l'ouverture. Les Noirs refusèrent de jouer le Hedgehog Anglais (7...d5), et
les Blancs évitèrent la plupart des principes des lignes théoriques.
Vugar réarrangea raisonnablement ses pièces sur la diagonale h1-a8 (12...Qc8!,
13...Bc6!), força quelques échanges, et obtint même un léger avantage. Il
commenta l'ouverture « si je joue 9... Qxd1 10. Rxd1 Bxc5 les Blancs ont
11. Nb5 Na6 12. Ne5. Après cela, 10. Qxd8+ Kxd8 11. Ne5 n'est pas dangereux à
cause de Bxg2 12. Kxg2 Ke7 13. Bf4 Rc8 14. Nxc4 Nc6. Et 12.Red1 n'était pas
bon; il aurait dû jouer 12.Qxc4. 13. e3 est forcé: 13. Bxf6 Nxf6 14. Ne5 (14. Nd2
Bxf2+ 15. Kxf2 Ng4+) 14... Bxf2+ 15. Kxf2 Qc5+. Après cela j'ai un léger
avantage mais pas assez pour gagner. »
Puis c'était au tour de Kamsky de jouer précisément et de montrer sa technique :
21.a4!?, 26.Rc1, 35.e4, et la muraille des Blancs est infranchissable. Je (Shipov)
n'ai pas réussi à trouver des imperfections dans les actions des joueurs.
Ivan doit travailler sur sa technique. Aujourd'hui il a rapidement dominé son adversaire,
gagné un Pion, obtenu un avantage évident et a ensuite manqué de le convertir
sans gaffes.
Cheparinov essaya de modifier la Sicilienne Rauzer en une Attaque Anglaise avec 10.Be3,
mais Al-Modiahki empêcha l'idée de g2-g4 avec 10...h5, qui semble extrêmement
populaire ces jours. Cependant, Mohamad joua par la suite très négligemment.
Tous les coups d'éclat étaient en réalité assez standards. Avec 14.e5! les
Blancs invitèrent la Dame ennemie en g8! 14...Qxe5 aurait été suivi de 15.Bf4 Qf5
16.Nd4 Qh7 17.Bd3 Qg8, et ici 18.Qa5 est rapidement gagnant pour les Blancs. Mohammad déclina
raisonnablement l'offre, mais décida à tort que l'Ouverture était une Défense
Française. Le Français typique 15...g5?! fut fortement contré par le Sicilien 16.f5!,et les Blancs créèrent une
attaque puissante. Avec le coup 20 l'évaluation était claire : les Blancs sont
nettement mieux : un Pion de plus et l'initiative.
Il n'y avait pas vraiment d'erreurs évidentes dans l'action suivante de Cheparinov,
mais je vais montrer deux (sur vingt) améliorations pour les Blancs. La
première : au lieu de 25.Bd3 il aurait pu ouvrir le jeu avec 25.Bc4 Bg6 26.Rxd5
Rxd5 27.Qxd5 Qxd5 28.Bxd5 Rd8 29.Bb3 Be4 30.Kc1 Bxg2 31.Rg1 Bc6 32.Rg8!, et les
Noirs sont un tempo court pour la nulle. La deuxième : 46.Kd3 au lieu de 46.Rff2
paraît fort, envisageant d'envoyer la Tour via f4 à h4.
Cheparinov manqua une excellente chance de se consoler. Al-Modiahki à l'issue de
la partie : « la finale de Tours était probablement toujours nulle, à cause de mon Roi
actif. Avant d'échanger les Fous, il avait des chances de victoire. »
La ligne à la mode de la Gruenfeld Classique
10...Na5 11.Bd3 b6 continue de se développer rapidement à Sochi. Dans la Wang
Yue-Navara il semblerait que les Noirs résolvent successivement tous les
problèmes d'ouverture, la balle est donc dans le camp des Blancs.
Dans cette partie les Blancs réussirent à créer une sérieuse pression, et bien
qu'il n'y ait pas de cassures réelles, la position des Noirs semblait chancelante.
Le nouveau coup de Navara 13...Bxe5 pourrait avoir été imprécis; 13... Be6 14.
Rad1 Qe8 15. Bh6 Nc4 16. Qc1 Bxh6 17. Qxh6 Nxe5 était bien pour les Noirs dans
la récente partie Butnorius-Greenfeld, Dublin 2008. Les Blancs
attaquèrent passionnément, utilisant l'éloignement du Cavalier Noir sur le
flanc-Dame, et même le contrecoup 17 ...
f5 ne le ralentit pas. Et six coups plus tard, cette case fut prise par un Pion
Blanc, qui plus tard devint le héros de l'histoire.
Navara: « j'avais d'abord l'intention de jouer 21... Qe3+ 22. Kh1 Rxf4 mais ceci
permet 23.Rfe1 Rf2 (23... Qf2 24. Re2) 24. Rd7+ Kh8 25. Qd1 et les Blancs
doublent leurs Tours sur le 7ème rang. »
28.Qe3 fut une erreur. 28.Rd1 est plus fort, dans le but d'échanger en g6 et
puis chercher des attaques avec le Roi sécurisé après h2-h3.
Navara captura sans peur le Pion et commença à échanger des pièces. « Sur 29. Nh5+ Kh8 30. Re6 les
Noirs ne peuvent pas jouer 30...Ne7 à cause de 31. Qe5+ Kg8 32. Nf6+ mais en
fait j'envisageais 29...Kg8 30. Qg3+ Kh8 et après 31. Rxf5 Qd1+ 32. Re1 Qxe1+
33. Qxe1 Rxf5 je ne suis pas sûr mais les Noirs sont OK »"
Le seul obstacle qui l'empêcha de gagner cette partie fut qu'il la transposa en
une finale de Tours. Wang Yue se défendit très habilement : 42.a5!, 46.g4+!,
61.h5. Comme c'était prévisible, la partie aboutit à une nulle : Navara a de
nouveau manqué de convertir un avantage significatif !
Nous levons
notre chapeau (nous pouvons même en acheter un pour l'occasion) à notre intrépide
guerrier. Blessé et fatigué, avec de lourdes pertes derrière lui, Peter a mené
cette partie d'une manière énergique faisant preuve d'une habilité brillante
dans la finale pour gagner cette belle partie. Svidler-Jakovenko est un exemple de finale pour les manuels!
Alors que tous les Pions au centre avaient déjà été échangés dans l'ouverture,
il semblait que la partie allait rapidement se terminer en nulle. Cependant le 15ème coup des Noirs
changea toute la donne. Svidler pensa
que 14...Rac8 Nc4 Qc6 était meilleur que 14...Nd5, mais l'analyse montra que
les Noirs pouvaient toujours maintenir l'équilibre avec 15...Qb4!. Cependant,
Dmitry fut amusé par une finale compliquée, dans laquelle les Cavaliers des deux
joueurs se trouvèrent dans les cases du coin. Les pièces mineures commencèrent
à danser, et il s'avéra que les danseurs Blancs furent plus habiles, puisqu'ils
arrivèrent en premier vers les Pions faibles du flanc-Dame de l'adversaire.
Svidler fut critique envers lui-même et mentionna 19.Nc7 comme amélioration
possible. « Mais ici j'ai oublié pour la première fois de la partie l'existence
d'une case : a4. » Il fit également mention de la réponse surprenante à 28.Kf1:
28...Ne1!.
« Après la partie mon adversaire étant très fâché, je n'ai donc
malheureusement pas pu lui demander ce que j'avais vu dans la partie et ce qui
m'avais fâché: 31...Ke8 32.Ke2 Kd7 33.Nd4 Bxd4! 34.exd4 Kd6 35.Kd3 Kd5 qui
pourrait être une nulle. »
Étudiez sérieusement la finale et appréciez le grand jeu de Svidler. C'était tout
simplement remarquable ! Avec 43.h5!
et 45.Kh8! il créa des trous sur le flanc-Roi, et puis envoya son Roi pour un long
voyage avec 51.Ke2!.
Au coup 63 il semblait que les Noirs avaient construit une forteresse. « Après
61.Nh6+ je pensais que j'allais résigner, mais pour la deuxième fois j'avais
oublié une case : g6. »
Mais Peter réussit
à casser la forteresse avec la manoeuvre héroïque du Cavalier : 64.Ne3 à
69.Nb7!, sécurisant le nouvel avant-poste pour le Roi. Le héros allait bientôt périr,
mais les Noirs payèrent cher cela. 74.Kxg5
révéla que le Fou est incapable de stopper le dernier Pion passé. Une
excellente finale!
La rencontre-clé Radjabov-Aronian de cette ronde fut plutôt
décevante. Trois facteurs cumulés : fatigue physique, épuisement
émotionnel et facteur surprise. Aronian employa un coup (7...g6) dans l'Ouverture
Ecossaise, et puis quitta complètement la route habituelle avec 8...Qe7.
Gelfand et Karjakin optèrent pour la Variante Alekhine de la Défense Nimzo-Indienne
ultra-pointue, puis entrèrent dans des complications folles qui menèrent
rapidement à une finale de Fous de couleur opposée. Et c'est la nulle.
Le dénouement de la partie Kamsky-Gashimov était prédéterminé dans
l'ouverture. Les Noirs refusèrent de jouer le Hedgehog Anglais (7...d5), et
les Blancs évitèrent la plupart des principes des lignes théoriques.
Cheparinov essaya de modifier la Sicilienne Rauzer en une Attaque Anglaise avec 10.Be3,
mais Al-Modiahki empêcha l'idée de g2-g4 avec 10...h5, qui semble extrêmement
populaire ces jours. Cependant, Mohamad joua par la suite très négligemment.
La ligne à la mode de la Gruenfeld Classique
10...Na5 11.Bd3 b6 continue de se développer rapidement à Sochi. Dans la Wang
Yue-Navara il semblerait que les Noirs résolvent successivement tous les
problèmes d'ouverture, la balle est donc dans le camp des Blancs. 
Nous levons
notre chapeau (nous pouvons même en acheter un pour l'occasion) à notre intrépide
guerrier. Blessé et fatigué, avec de lourdes pertes derrière lui, Peter a mené
cette partie d'une manière énergique faisant preuve d'une habilité brillante
dans la finale pour gagner cette belle partie. Svidler-Jakovenko est un exemple de finale pour les manuels!