Le 2ème tournoi du circuit du Grand Prix FIDE, SOCHI 2008, a débuté aujourd'hui avec deux victoires : celle de Grischuk contre Karjakin et celle de Radjabov contre Al-Modiahki. Le premier coup fut joué à 15h00 par le Président de la FIDE Kirsan Ilyumzhinov sur l'échiquier de Navara et Ivanchuk, une des cinq nulles de cette journée.
Dans la partie Wang Yue-Aronian, la première nulle de ce tournoi, les joueurs ont opté pour la ligne très à la mode de la Défense Slave, dans laquelle les Blancs avaient deux Fous, et les Noirs bénéficiaient d'une position très solide. Levon s'est montré très énergique dans la bataille pour l'égalité. Il améliora sa propre partie Bu Xiangzhi-Aronian, Erevan 2008 avec 13...e5!.
Le joueur Chinois opta pour la première fois pour 8.0-0 et 10.e4. « Mon adversaire avait deux parties avec cette ligne et je pense que les Blancs étaient les deux fois mieux, alors j'ai joué ceci. Mais 13...e5, je ne sais pas, peut-être qu'après 14...h6 j'aurais dû aller sur e5 mais je pense que dans le fond c'est égal ». Puis il ajouta « mon ouverture était mauvaise ! ». Comme le chantaient les Rolling Stones You can't always get what you want (vous ne pouvez pas toujours obtenir ce que vous voulez). Sa réponse naturelle 14.Bg5 a littéralement tué l'intrigue, et la partie s'est terminée sur une nulle de Fous de couleur opposée. Le dénouement pacifique de la partie est juste et correct.
C'est un Navara satisfait qui a montré sa partie dans la salle de presse, une nulle contre le premier du classement Ivanchuk. « C'est quasiment impossible de se préparer contre cet adversaire mais je connais un peu cette ligne ». Il était en train de parler de son off-beat 5.Qb3 contre l'Ouest Indienne, mais là aussi, l'Ukrainien était bien préparé. Il a négocié le Fou sur cases noires, et développé un fort contre-jeu sur les cases blanches.
Sa nouveauté 13...Qd7! a permis aux Noirs de concentrer de sérieuses forces dans le centre. Navara essaya de repousser les Cavaliers ennemis des cases clé, et y est preque parvenu. Cependant le très bon 19...c5! provoqua une cascade d'échanges qui ont complètement égalisé le jeu. Les deux joueurs ont bien joué, et la nulle est presque logique. Selon Navara, c'était « probablement égal tout le temps » malgré le fait que pendant la partie, il avait l'impression d'être légèrement mieux. Il évita pendant un moment une nulle immédiate mais après 31...Qxa2!, un coup qu'il a manqué, il n'avait plus le choix.
Dans la partie Svidler-Kamsky les joueurs ont débuté avec une ligne à la mode la Défense Caro-Kann (qui structurellement ressemble à la Française), et Kamsky a démontré une nouveauté originale - 9...a6. L'idée derrière ceci est probablement de garder plus d'options pour le Fou sur cases blanches. Svidler a répondu d'une manière simple et sensible, et continua de développer ses pièces. Après coup, il a indiqué avoir surestimé ses chances. « 17.f4 est mieux que 17.b3 mais c'est compliqué ».
Il ne s'attendait pas à 17...Nac6! et la seule manière d'éviter la perte d'un Pion était d'aider les Noirs de rattraper en développement. Le coup 21.c4 ouvrit la position, et les pièces Noires obtinrent deux colonnes ouvertes. Puis, il s'avéra que les Blancs avaient beaucoup de pions faibles, et Svidler dut forcer les événements pour éviter le pire. Son coup à temps 26.g4! assura la nulle. Sur 28.Kh2 Kamsky avait planifié 28...Qb5 après quoi 29.Rg1 Bf8 « il n'y a pas de mat et les Noirs semblent un peu mieux » (Svidler).
Grischuk fut le premier à faire couler du sang dans ce tournoi; il joua un excellent jeu contre Karjakin. Avec 14...Bg7 le jeune Ukrainien a dévié d'une partie contre le même adversaire, jouée en janvier de cette année (Odessa, rapide), et son 17...c5 fut une nouveauté qui essaya de réhabiliter la ligne du Gambit Anti-Moscou. Cela n'avait pas l'air prometteur, mais la position des Noirs semblait bonne après l'ouverture. Cependant, seule une profonde analyse à la maison pourra supporter ou réfuter cette impression. Une chose est claire - les Noirs devaient jouer très précisément pour éviter l'attaque d'un mat, et ils n'y sont pas parvenus.
Grischuk l'avait analysé un peu avant la partie, « mais je ne pouvais toujours pas me rappeler si 21.Qd2 était le coup juste » indiqua le Grand-Maître Russe. Il a aimé son 23.Ra3 qui mit les Noirs dans une « sorte de Zugzwang ». Les Blancs protègent déjà b3 et n'importe quel coup en Bb7 permet une batterie Bc2 et Qd3. Puis, 24...Rb6! était également fort selon Grischuk mais Karjakin a par la suite joué quelques coups faibles. Il aurait pu essayer 24...a4!? avec l'idée de transférer la tour en b2.
Durant la partie, le jeu des Noirs était un peu lent, et cela s'est finalement décidé par la position faible du Roi Noir. Grischuk n'a pas arrêté de prendre des pions, et a joué très précisément même sous sa traditionnelle pression au temps. En tout, les joueurs ont produit une partie logique de haute qualité, et son dénouement a été déterminé par un recul stratégique de la position des Noirs.
Gelfand-Jakovenko fut une partie positionnelle. Dans une ligne connue de la Nimzo-Indienne, les Noirs ont effectué un sacrifice de pion positionnel, se battant pour les cases blanches du centre - 14...b5!?. Boris essaya d'améliorer le jeu des Blancs de la Nogueiras-K.Georgiev, Leningrad 1987, déclinant l'offre. Cependant les Blancs ont manqué de montrer un avantage significatif. « J'avais la paire de fous, mais mes pièces étaient peu maniables dans cette ligne » indiqua Gelfand après coup.
Les cases clé d5 et e4 étaient sous la grippe des Noirs, et les Noirs ont même commencé à créer quelques menaces sur le roi ennemi (qui n'étaient, cependant, pas si sérieuses). L'attaque des Noirs (34...e5 et 36...e4) était parée par le précis 38.Ra6!, qui permit aux Blancs d'échanger les Tours et procéder à une finale qui s'acheva sur une nulle par mat impossible.
Grâce aux efforts mutuels de Radjabov et Al-Modiahki, leur jeu a rapidement dévié des chemins théoriques. La position qui en résulta ressemblait à une étrange version de la Catalane. Les Blancs avaient l'initiative, et Al-Modiahki a probablement pris la mauvaise décision d'ouvrir le centre avec 11...c5?! - ce coup donna des possibilités aux fous des Blancs. Radjabov lui-même n'était pas sûr de 13...Bc5 (« probablement pas le meilleur ») et puis son originale manœuvre de Tour 14.Rh4!, 17.Ra4 et 19.Rc4! lui donna un grand avantage.
Dans la suite du jeu, la marche du Pion-d donna aux Noirs un contre jeu décent. L'erreur décisive fut commise au 27ème coup, lorsqu'il manqua 27...Nc6! avec de bonnes chances de survie. Après 27...gxf6? 28.Qxe7 Radjabov rétablit son avantage et gagna la partie d'une manière convaincante.
Cheparinov-Gashimov fut une Petrov et dans l'ouverture, le coup 7...Nc6 semblait si familier que nous pouvions difficilement penser à d'autres suites. Cependant, le logique 7...Nd6!? (visant contre c2-c4), joué par Gashimov, fut inventé il y a plus d'un siècle. David Bronstein le présenta au plus haut niveau en 1972, et de nos jours, de nombreux Grand-Maîtres utilisent ce coup pour éviter la théorie dominante.
Dans le jeu, les Noirs obtinrent une position solide malgré un certain retard dans le développement. Cependant, ceci n'était qu'un désavantage temporaire. La nouveauté d'Ivan 13.Ne2 ne porta pas ses fruits. Les Noirs ont facilement parés l'attaque mal préparée des Blancs sur le flanc roi, pour passer à des opérations actives avec 23...g5. Les complications qui en découlèrent furent trop difficiles pour les deux. Les joueurs ont commis quelques inexactitudes et gaffes.
Le moment critique s'est présenté après le coup 35...h5 (diagramme). Ici les Blancs pourraient clamer un avantage en 36.Ne3! gxh4 37.Kh2! A la place, Cheparinov opta pour une solution tactique, manquant une magnifique réfutation : 36.Nxf6+ Rxf6 37.Rxf6, et là Gashimov aurait pu punir son adversaire avec 37...Qb1+ 38.Kh2 Nh3!!, et le Roi Blanc était dans le filet du mat. 39.Rg6+ n'aide pas au vu de 39...Kh7. Cependant, Vugar continua en f6 avec la reine, qui aboutit à nulle avec une finale de reine.